La décision
Siroter un çay en Turquie, déguster un kahvalti, et décider de poursuivre l’aventure
La décision est prise autour d’un verre de vin blanc et d’un plat de fettuccines à Gubbio, un village médiéval près de notre house-sit à Corciano, dans la campagne italienne. Nous nous serrons le petit doigt, engagement plus solennel encore qu’une poignée de mains.
La décision est inconcevable lors de nos séjours au Vietnam et en Thaïlande, en janvier et février. Une mésaventure de bagages génère en moi une cascade d’émotions négatives. Concevoir un lendemain fonctionnel relève du défi quasi insurmontable. Imaginer l’avenir m’est alors impossible.
Peu à peu, alors que nous grimpons le mont Bukhansan à Séoul, que nous traversons le marché d’épices dans Old Delhi, que nous buvons de la Tsingtao dans les Hawker center de Singapour, la décision se matérialise, tranquillement, au jour le jour.
Lorsque mon employeur m’interpelle pour planifier le retour prévu après mon année sabbatique, nous revenons d’un déjeuner dans la campagne turque, et nous nous occupons d’une dizaine de chats, gérant un flot attendrissant de caresses et une quantité stressante de conflits armés.
L'étau décisionnel se resserre définitivement. Nous n’avons plus le temps de réfléchir à la question. Notre coeur connaît la réponse depuis belle lurette. Il faut décider.
L’aventure se poursuivra en 2024, inchallah
Je ne retournerai donc pas à mon poste permanent à Radio-Canada dans les Prairies, même s’il s’agit d’un des derniers refuges crédibles, à moyen terme, contre l’inévitable tsunami de l’intelligence artificielle dans nos vies.
Plutôt, après une présence montréalaise prévue en décembre, afin de rencontrer amis et familles pendant le temps des Fêtes, nous entamerons une deuxième année de voyage, qui se voudra encore plus marquée par la lenteur et la découverte.
Il y aura vraisemblablement un séjour de trois mois au Nicaragua, vers la fin du mois de mars, si tout se déroule comme prévu. Mais nous ignorons encore où nous poserons les pieds en janvier.
Pourquoi?
Cette aventure est motivée par quelques principes phares, qui se cristallisent au gré de nos mouvements.
If not now, when? L’idée d’interrompre notre momentum, afin d’épargner pour un nouveau départ éventuel, dans un contexte d’inflation galopante, nous semble naïve.
La promesse. L’avenir radieux garanti par un travail acharné relevait de la promesse évidente autrefois, mais représente aujourd’hui un anachronisme aux limites de l’absurde. Nous ne comprenons pas trop à quoi nous contribuons en restant.
Les changements climatiques. La planète gronde, et nous désirons témoigner de sa beauté tant que tout n’a pas brûlé ou n’a pas été inondé. En choisissant le slow travel, nous espérons également réduire tant que possible notre empreinte écologique.
L’Occident est malade. Nous ne prétendons pas être capables de trouver un remède, et nous ne rejetons pas en bloc les nombreux mérites de notre héritage socio-politique, mais changer d’air nous fait un bien immense.
You want to make God laugh? Tell him your plans. L’expérience COVID-19 nous a démontré à quel point tout peut être chamboulé rapidement. Nous avons longtemps rêvé, nous agissons désormais. La vie fera ce qu’elle voudra anyway.
Avec nos house-sits, nous avons réussi à découvrir différentes régions pendant trois semaines, deux mois, trois mois. Nous avons aussi traversé des lieux rapidement, passant dix jours à deux semaines ici et là, dans l’optique désormais révolue d’un retour formel en fin d’année.
À l’avenir, nous cherchons à éviter ces parachutages expéditifs, même si je ne regrette absolument pas notre bref séjour romain, lors duquel j’ai pu contempler, pendant quelques minutes jouissives, l’École d’Athènes et la chapelle Sixtine.
Un retour à la pige
Je commence, tranquillement, à reprendre des contrats en pige, avec un premier article rédigé pour le Journal de l’Assurance. D’autres articles devraient suivre.
Je suis donc ouvert si vous avez des suggestions de pige, conscient que nombreux sont les contrats qui consistent à entraîner et moduler les imperfections de plus en raréfiées de l’intelligence artificielle, dont les impacts à moyen et long terme hantent mon esprit catastrophiste depuis le début de ce voyage.
Vous pouvez aussi m’encourager dans cette décision professionnellement insensée en contribuant financièrement à ce Substack. Certains l’ont déjà fait, et je manifeste à leur égard une immense gratitude. Vous êtes les bienvenus à m’offrir l’équivalent virtuel d’un café à Montréal! Ça doit être rendu, quoi, mille dollars aujourd’hui?
Voilà. Nous avons pris goût au voyage. Nous décidons de savourer.
Hey Joseph- these pictures look stunning. Wish I understand things though. Time to hit some language course for me.
Grosse décision, mais comme tu dis, voir le monde pendant qu’il est encore monde. Bon choix, profitez-en!
Même si cela peut causer de l’ennui à certains… je me dis il reste tout de même les appels, profitons-en!!!!
Encore un super texte, encore bravo!
J’ai hâte en décembre, j’aurai de la belle visite 🥰 à vous deux!